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Innovation. Le lin, c'est du béton

La coopérative L.A. Linière développe un béton en lin pour valoriser les anas issus du teillage et apporter une rémunération supplémentaire à ses agriculteurs.


12 000 à 15 000 tonnes d’anas sont générés chaque année par la coopérative L.A. Linière, à Bourbourg (59). Ces petits morceaux de tige issus du teillage sont aujourd’hui principalement valorisés en litières animales ou en paillage horticole.

Il y a un peu plus de trois ans, L.A. Linière a cherché à explorer de nouvelles pistes de valorisation. Après plusieurs essais infructueux, elle s’est orientée vers la production de briques en anas de lin à destination de la construction. « On est encore dans l’expérimentation mais depuis quelques semaines, ça s’accélère », assure Bertrand Delporte, directeur de L.A. Linière. Les premiers retours sont prometteurs.

« Nous sommes enthousiastes et nous rencontrons des gens encore plus enthousiastes, poursuit le responsable. Pour nous, c’est une petite aventure. Une coopérative de notre taille qui commence à faire de la R&D (recherche et développement), c’est intéressant ! »

Pour tous types de construction

Deux types de blocs ont été créés, qui seront commercialisés sous le nom Bâtilin. « Le premier est un bloc porteur composé de ciment, de sable, de chaux, d’anas et d’eau, explique Julien Gilliot, ingénieur produit à L.A. Linière. Il a la même fonction qu’un parpaing classique mais apporte également une première isolation. » Le second bloc, isolant, est constitué d’anas, de chaux, d’eau ainsi que d’adjuvants permettant de diminuer le temps de séchage.

Chacune de ces formulations a fait l’objet d’un dépôt de brevet en France, en Belgique, aux Pays-Bas et au Luxembourg. Ces blocs biosourcés peuvent être utilisés en rénovation énergétique, pour la construction neuve, dans une structure en bois ou encore « en remplissage poteau-poutre ».

Les deux briques sont aujourd’hui fabriquées au Codem (Centre de transfert dédié à l’écoconstruction et aux écomatériaux), basé à Amiens : l’établissement possède en effet les machines nécessaires à la transformation des anas en béton. Le conseil régional des Hauts-de-France ainsi que l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) apportent aussi conseils et soutien financier au projet. Le pôle d’excellence CD2E (Création et développement des écoentreprises) accompagne également la coopérative dans la démarche.


De nombreux atouts environnementaux

Le béton en lin offre de nombreux avantages. Premier atout : son caractère isolant. « Comparé à la laine de verre, il a l’avantage de stocker la chaleur, explique Julien Gilliot. Il permet d’apporter une inertie au bâtiment. » Le béton en lin est également perspirant, c’est-à-dire qu’il laisse s’échapper l’humidité engendrée par l’utilisation de la cuisine, de la salle de bains ou encore par la simple présence humaine.

Les anas de lin sont aussi d’excellents isolants phoniques. Enfin, ils sont une ressource naturelle et locale. Et peu importent les conditions de la récolte, ces résidus ligneux de la plante présentent une certaine stabilité, contrairement à la fibre (pour le producteur, il n’y a donc rien à prévoir). Les anas offrent finalement un matériau durable : « Les performances de ces blocs augmentent avec le temps », précise le jeune homme.

Malaxage, moulage à froid, pressage : « Le procédé de fabrication en lui-même est rapide et consomme peu d’énergie car il n’y a pas besoin de chauffer, poursuit Julien Gilliot.Ce qui est plus long est le séchage, qui prend deux à trois jours. »


Filière régionale

Une fois fabriquées, ces briques de lin ont pour vocation à être utilisées dans la région, voire dans les pays limitrophes : « Notre but est de garder un esprit local », souligne l’ingénieur. Aucune connaissance particulière ne serait requise pour leur utilisation, semblable à celle d’un parpaing classique. Le projet a déjà été présenté à plusieurs architectes, et comme le soulignait Bertrand Delporte, les premiers retours sont positifs.

Mais la coopérative a encore quelques étapes à franchir avant la commercialisation. Une étude de marché est en cours et ses premiers résultats seront connus dans quelques mois. L’accession aux marchés passe aussi par l’obtention de différentes certifications (ATEx, ATec…), afin de garantir la durabilité, les performances des produits et l’assurabilité des constructions. Elles sont délivrées par le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) et la Commission chargée de formuler les avis techniques (CCFAT). S’ils sont convaincus, ces organismes se prononcent sur la réalisation d’un chantier pilote, où des experts viennent sur place évaluer les matériaux. « On espère pouvoir mettre en place un chantier pilote en début d’année prochaine », confie Julien Gilliot.

Rémunérer les producteurs

Quant au prix, difficile encore pour la coopérative de se prononcer. « On sera dans la même fourchette de prix que ce qui se fait dans les matériaux biosourcés », peut seulement dire Julien Gilliot, qui précise : « L’objectif premier est bien sûr d’apporter une rémunération supplémentaire aux producteurs. »

En France, il existe d’autres initiatives du même type ; généralement ce sont les fibres elles-mêmes qui sont utilisées dans la fabrication du béton. « On essaye aussi de s’inspirer de ce qui a été fait dans le chanvre », souligne Julien Gilliot. Et L.A. Linière a déjà plein d’autres projets avec son béton en lin, révèle l’ingénieur : « Par la suite, on peut imaginer d’autres utilisations. On pourrait faire du béton banché ou projeté… » Affaire à suivre.

Laura Béheulière

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